7.3.07

La vogue des Bed & Breakfast en Sicile



Vous pensiez que le bed & breakfast était typiquement anglais ? Détrompez-vous. En Sicile, la formule a largement été adoptée, elle a même le vent en poupe.



Il fut un temps où l’on entendait davantage parler français sur les plages siciliennes. Mais depuis quelques années, nos compatriotes semblent bouder la Sicile, du moins voit-on plus rarement des hordes de vacanciers tricolores s’engouffrer dans des cars et partir à l’assaut des plus beaux sites de l’île. Pourtant, le tourisme se porte plutôt bien. En fait, il a tout simplement changé de physionomie.

L’heure n’est plus aux voyages organisés, en groupes, mais à la découverte d’une Sicile plus intime, plus personnelle, « à la carte » : on loue une voiture à l’aéroport puis on part sillonner les routes en suivant son propre itinéraire. On est alors libre de rester plusieurs jours à Palerme et prendre le temps de visiter les innombrables joyaux que renferme la « capitale » de la Sicile, ou bien partir explorer les reliefs montagneux des Madonie au cœur de l’île, se concocter un circuit des plus belles villes baroques ou même ne rien programmer du tout et se déplacer au gré de ses envies avec, au menu, plages et dolce farniente.

Les hôtels-clubs ne font plus recette. La formule à la mode, désormais, c’est le bed & breakfast. Les Italiens, qui ne sont pas très tatillons en matière de protection de la langue et n’hésitent pas à emprunter massivement à l’anglais, ont opté pour ce vocable 100% british. En France, on parlerait plutôt de logement chez l’habitant ou de chambre d’hôtes. Moins froide et moins formelle qu’un séjour à l’hôtel, la formule se prête parfaitement à un tourisme nomade : on s’y plaît, on reste ; on a envie de bouger, on repart. Et ce ne sont pas les propositions qui manquent. Pour la seule ville de Palerme et ses environs, il existe pas moins de 133 bed & breakfast, contre 891 dans toute la Sicile. Comme son nom l’indique, il s’agit, la plupart du temps, d’une chambre avec salle de bain, mise à la disposition du vacancier à l’intérieur d’un appartement ou d’une villa occupée par ses propriétaires. Avec, compris dans le prix, petit déjeuner servi le matin.

Mais la formule est souple (nous sommes en Méditerranée, ne l’oublions pas !) et réserve parfois d’agréables surprises. Comme les bed & breakfast que propose Il Glicine. En fait, sous cette dénomination se cachent trois sœurs. Trois sœurs, trois structures différentes. Celui de Silvana est sans conteste le plus recherché. Jouissant d’une vue imprenable et digne des plus belles cartes postales sur le golfe de Mondello, la plage préférée des Palermitains, la vaste villa est adossée au mont Gallo et domine la baie de sable blond. Enfouie dans la verdure, elle offre un véritable havre de paix après une chaude journée passée à barboter dans une mer bleue Caraïbes et à se dorer sous un soleil implacable, tout ça dans la joyeuse ambiance des plages du Sud. Mais la station balnéaire étant très bien desservie par les bus et les pullmans (version plus confortable dotée de l’air conditionné), il suffit d’une vingtaine de minutes pour rejoindre le centro storico de Palerme, le cœur de la vieille ville où se trouvent réunis tous ses plus importants monuments et ses quartiers hauts en couleurs.

Ce bed & breakfast sur le golfe a aussi l’avantage de proposer deux types de logements : une chambre double traditionnelle, mais aussi un véritable appartement, avec entrée indépendante, donnant sur un jardin à la végétation luxuriante. Et pour couronner le tout, la maîtresse de maison est d’une gentillesse à toute épreuve et incarne à elle seule le sens de l’hospitalité légendaire des Méridionaux. Non seulement a-t-elle soigné son intérieur, en sachant créer une ambiance chaleureuse et raffinée, toute en harmonie, mais elle pousse le détail jusqu’à vous offrir des confitures faites maison au petit déjeuner (celle aux figues et à la cannelle est un pur délice !) et des œufs des poules du jardin, lorsque celles-ci ont pondu en quantité suffisante.

Toujours à Mondello, le deuxième bed & breakfast, celui de Gabriella, est ni plus ni moins situé dans l’aile d’un château du XVIIIe siècle. Tout comme le reste de l’habitation, les trois chambres sont d’une rare élégance et vous plongent dans une atmosphère hors du temps. Et quand vous aurez pris le petit déjeuner sur la terrasse noyée dans la végétation exubérante du splendide jardin, il y a fort à parier que vous aurez toutes les difficultés du monde à quitter ces lieux enchanteurs. Vous ne parlez pas un mot d’italien ? Qu’à cela ne tienne ! « Je préfère recevoir des Français car je parle mieux la langue de Molière que celle de Shakespeare », explique la maîtresse de maison dans un français impeccable. Les Anglais viennent principalement au printemps, tandis que les Italiens sont surtout présents en été, même si les chambres sont disponibles tout au long de l’année.

Car l’autre grand avantage du bed & breakfast, c’est qu’on peut le visiter virtuellement, quel que soit l’endroit de la planète où l’on vit. Dans la majorité des cas, en effet, il s’accompagne d’un site Internet sur lequel d’abondantes photos et descriptions sont fournies aux visiteurs. Finies, donc, les mauvaises surprises à l’arrivée. De plus, on traite directement avec le propriétaire. L’absence d’intermédiaires permet ainsi de proposer des tarifs bien plus raisonnables que ceux pratiqués par les hôtels.

En outre, les propriétaires des villas se mettent généralement en quatre pour faciliter et agrémenter le séjour de leurs hôtes : ils sont souvent heureux de partager leurs connaissances des environs et prodiguent de précieux renseignements et conseils de visite. Les trois sœurs de Il Glicine ont des étagères remplies de dépliants, de cartes et de brochures de la région qu’elles mettent à la disposition des vacanciers. Elles proposent également un certain nombre de services supplémentaires, comme de venir vous chercher à l’aéroport, ou de vous y emmener, si vous n’avez pas de voiture ; ou encore de vous louer vélos ou vespas, un must quand on vit dans le sud de l’Italie. L’une d’elles prévoit même, pour l’été prochain, de cuisiner le repas du soir pour tous ceux qui en feraient la demande. Et, petit plus, elles peuvent aussi fournir une connexion Internet, ce qui n’est pas négligeable dans une ville où, bizarrement, les points Internet et les webcafés ne sont pas très répandus.

Avec la troisième sœur, Donatella, nous quittons la catégorie bed & breakfast à proprement parler pour passer à celle de l’agriturismo, littéralement tourisme vert, l’équivalent, plus ou moins, de notre gîte rural. Il s’agit pourtant du même principe : on loue une chambre, un appartement, voire une dépendance toute entière au sein d’une propriété habitée par les maîtres de maison. La différence, c’est que ces habitations sont situées la plupart du temps loin des villes, dans des sites naturels privilégiés, qui servent de point de départ pour découvrir les produits du terroir et les spécialités gastronomiques de la région. L’agriturismo de Donatella se trouve à Campofelice di Roccella, à quinze kilomètres de Cefalù et à soixante de Palerme. Dans un paysage tout en collines, avec la mer en toile de fond, cette belle demeure de campagne du XIXe siècle est littéralement noyée dans le vert : le vert argenté des oliviers, mais aussi le vert plus sombre des pins de Méditerranée, le vert clair des eucalyptus et le vert éclatant des citronniers. Les oiseaux ne s’y trompent pas et viennent nicher en nombre, faisant du lieu un véritable paradis pour les adeptes du birdwatching. La mer n’est qu’à trois kilomètres, mais la piscine est là pour se rafraîchir lorsque la chaleur estivale fait grimper le mercure. Donatella produit elle-même son huile d’olive, bio bien entendu, comme du reste tous les fruits et légumes qu’elle cultive dans son jardin et qu’elle propose à ses hôtes en demi-pension ou pension complète.

Outre une magnifique glycine grimpant le long de leurs maisons (d’où le nom de leur association), les trois sœurs ont assurément en commun le goût des belles choses et savent créer une atmosphère à la fois chaleureuse et raffinée, et l’intérieur de Donatella ne déroge pas à la règle. Leurs trois maisons ont une âme qu’aucun hôtel ne saurait apporter à leurs clients.


Article paru sur le site du magazine Ulysse

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